Voilà une réflexion sur mon travail d'accompagnement des ados par la sophro que j'avais a coeur de partager.
Pourquoi? Peut-être parce que l'adolescence est une période de transition tellement mouvante que l'accompagnement en cabinet ne peut que l'être aussi!
Et, c'est vrai, cette mouvance, ce mouvement, a interrogé ma pratique.
La sophrologie est une pratique codifiée, avec des protocoles établis, des étapes au sein du protocole, et chaque étape a sa propre finalité pour arriver à un objectif déterminé conjointement avec le-la consultant-e lors de la première séance.
La sophrologue propose alors à chaque séance des outils que le-la sophronisé-e pourra refaire et répéter à sa guise dans son quotidien. L'idée étant que la-le sophronisé-e s'approprie les outils de la sophro, les amène dans son quotidien et devienne autonome dans la gestion de son stress par exemple.
Bon ok, ça c'est la théorie.
La pratique est moins linéaire.
En effet, j'ai reçu au cabinet il y a quelques temps une adolescente souffrant de crises d'angoisse tellement fortes qu'elle est empêchée de sortir de chez elle.
Elle est venue au cabinet 2 fois avant qu'elle ne m'avoue que ses parents l'amènent en voiture à chaque séance et l'attendent pour la ramener chez elle ensuite.
Je me suis alors interrogée sur le bénéfice des séances. Ok la jeune fille passe un moment de répit au cabinet, une parenthèse au calme, mais lorsque la séance est terminée elle retrouve immédiatement les angoisses laissées derrière la porte.
Je répète sans cesse aux consultant-e-s qu'il faut pouvoir apporter la sophro dans leur quotidien : identifier les moments où les outils transmis pendant la consultation viendront les soutenir dans telle ou telle situation difficile. Ok.... mais force est de constater que pour cette jeune fille, les angoisses sont tellement envahissantes qu'elles annulent toutes possibilités décisionnaires.
Alors que faire dans ma posture de thérapeute?
J'ai proposé d'apporter la séance en situation, dans la sphère quotidienne de cette consultante.
Nous avons alors décidé ensemble de la consultation à domicile, non pas pour éviter à la consultante de sortir, mais justement pour trouver des parades qui pourraient l'aider à retrouver toute son autonomie.
Objectif de la séance : sortir de chez elle sereine.
J'ai donc découpé la séance en plusieurs étapes entre son appartement et un parc de son quartier.
La première étape était consacré à un moment de respiration (je commence toujours mes séances de sophro de cette façon). Ce temps de respiration permet de se centrer, s'ancrer dans son corps et ses appuis, et de laisser les projections du mental de côté.
La seconde étape consistait à choisir un objet transitionnel qui serait pour elle un soutien à l'extérieur (pour cette consultante une balle qui représente la sécurité).
La troisième étape sera d'avancer pas à pas en jalonnant chaque étapes d'exercice de sophro: pompage des épaules dans l'ascenseur pour vider le stress par exemple, dans le hall de l'immeuble visualiser l'exercice du karaté pour mettre à distance le stress, puis l'arrivée et l'avancée à l'extérieur en respiration consciente avec une image de vague qui calme et tranquillise. La concentration sur l'exercice respiratoire permet de laisser les agitations du mental de côté. Nous avons ainsi fait un tour dans le quartier, et j'ai pu laisser la jeune fille effectuer une partie du chemin retour seule.
Je repense également à l'accompagnement d'une autre jeune fille qui venait me consulter car elle connaissait des périodes de stress intense qui lui faisait perdre tous ses moyens lors des examens. Nous avons fait ensemble cinq séances plutôt bénéfiques où la consultante s'est bien approprié les outils et les exercices; elle en a ressenti les effets positifs dans sa vie quotidienne. Néanmoins, deux jours avant son grand oral, je reçois un appel d'urgence de sa part, où elle m'explique que ses pensées sont confuses, sa vision se trouble et elle a du mal à respirer.
Je propose qu'elle vienne au cabinet. A ce moment-là, il n'était pas question de respirer, s'assoir et se détendre pour une visualisation; tout était en tension, le corps, le mental agité, les émotions confuses oscillant entre joie de terminer un cycle et peur de l'échec.
A la vue de son état de ce jour là, je lui ai proposé qu'elle se mette en condition de son grand oral comme elle devrait le passer 48 heures plus tard. Nous avons alors décomposé tout le processus et cheminement de cette matinée depuis son réveil jusqu'au passage de son oral. En réel, et non en état de sophronisation, j'ai guidé cette consultante dans une "Projection sophronique des capacités" (pour les sophrologues qui parlent le jargon!). En d'autres termes, nous avons décortiqué toutes les étapes pour arriver sereine devant son jury d'examen. Je lui ai demandé de sortir du cabinet puis d'ouvrir la porte comme si elle ouvrait la porte de la salle d'examen : nous avons alors corrigé sa posture, j'ai proposé qu'elle fasse un exercice derrière la porte pour se libérer du stress (elle a choisi de faire le karaté puis le prana pour s'apporter de la confiance). Elle est donc ressorti du cabinet puis a de nouveau fait son entrée avec ces nouveaux éléments. Elle s'est ensuite positionnée devant moi, debout: je lui ai rappelé à ce moment là sa force et sa solidité (nous avions travaillé ce point dans une séance avec une identification à la force d'un arbre). Puis elle a pu déroulé son oral, comme elle le ferait le jour J. Je me suis prise au jeu, et je suis devenue membre du jury en lui posant tout un tas de questions sur son sujet (et aussi hors sujet et déroutantes!). Cette mise en situation lui a montré d'une part qu'elle était prête, qu'elle avait su mobiliser les outils qu'elle possède. Et d'autre part, en effectuant cette séance en "réel", cela a permis à son cerveau d'intégrer les étapes, le processus ainsi, le jour de l'examen, celui-ci reprendra le même chemin vertueux.
Ces deux accompagnements ont questionné ma pratique et m'ont permis d'innover, de changer, de réinventer de nouvelles règles.
Rester dans le cadre sophrologique, évidemment, mais apporter ce cadre dans la marge.
C'est toujours une grande joie pour moi que de chercher comment faire pour être au plus près des besoins de chaque personne qui vient consulter. Il y aurait certainement pour ces deux situations, beaucoup d'autres possibilités de prise en charge, évidemment. Mais c'est celles-ci que j'ai exploré, et que j'avais envie de vous partager.
Au plaisir de lire vos commentaires sur cet article!
Article intéressant Aurèle, j'aime bien le côté très vivant que vous proposez aux ados. Je suis sophrologue aussi, et j'adapte également mes séances suivant les âges des consultants; notre pratique est si riche!
Approche intéressante avec les ados. Merci pour cet article.